Agression d’un jeune handicapé mental : La loi va-t-elle s’appliquer dans toute sa rigueur ?

Agression d'un jeune handicapéDimanche 2 février, un jeune handicapé mental de 18 ans est victime d’une agression physique commise par deux jeunes mineurs de 14 et 15 ans avec la complicité de deux autres de 12 et 16 ans qui ont filmé l’agression. Les images sont postées sur Facebook par les auteurs, où on peut notamment voir le jeune handicapé humilié, frappé et poussé dans une rivière sans aucune défense, tétanisé par la peur.

Identifiés et interpellés grâce à la mobilisation des internautes qui ont signalé la vidéo sur la plateforme de signalement des contenus illicites d’internet, (www.internet-signalement.gouv.fr), le Procureur de la République de GRENOBLE qui s’est exprimé sur l’affaire a eu un mot malheureux en parlant de « bêtise d’adolescents » alors que nous sommes dans un délit des plus sordide sur personne vulnérable et non sur un jeu d’adolescents inoffensifs.

Profiter de l’infirmité d’une personne handicapée pour se défouler sur lui est d’une lâcheté barbare car ce délit renvoie à ce qu’il y a de plus mauvais dans l’attitude de ceux qui viennent désormais, pour toute défense, indiquer qu’ils n’avaient pas conscience de ce qu’ils faisaient.

C’est donc encore plus inquiétant car au moment où ils commettent l’acte, ils ont bien évidemment le discernement suffisant, d’autant qu’ils vont enclencher la deuxième phase de l’infraction en faisant de la publicité de leur agression et ventant sur la toile leur délit. Cette façon de le revendiquer avec fierté a inspiré, à bon nombre, un dégoût parce que cette maltraitance est une indignité qui touche chacun d’entre nous.

Alors, « bêtise d’adolescent » ? Certainement pas Monsieur le Procureur !

Les personnes handicapées sont les grands oubliés de la violence. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié une étude dans le magasine LANCET en 2012 démontrant que les enfants handicapés avaient 4 fois plus de risques de subir des violences physiques que les enfants non handicapés.

Que prévoit le Code Pénal et quelle qualification juridique retenir pour de tels faits ?

L’incrimination pénale est prévue à l’article 222-13 du Code Pénal qui retient, pour des violences avec incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours, une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité est due à une infirmité ou à une déficience physique ou psychique.

Néanmoins, dès lors que l’acte reproché a été commis en réunion, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Et c’est cette qualification que le Procureur de la République de GRENOBLE a retenu précisant que l’excuse de minorité concernant les agresseurs présumés divisait la peine par deux.

Tout d’abord, la qualification retenue peut changer et rien n’interdit au Procureur de la République d’ouvrir l’affaire sur une autre qualification pénale certainement plus appropriée puisque le Code Pénal prévoit que lorsque les violences ont entraîné une incapacité (ITT) de plus 8 jours, et en réunion, et sur une personne vulnérable, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.

Les deux circonstances aggravantes sont opposées aux auteurs présumés (infraction en réunion et vulnérabilité de la victime), mais l’élément permettant de majorer la sanction est la durée de l’ITT.

Or, il semblerait que l’ITT délivrée ait été de 3 jours.

Première observation : les blessures physiques sont une chose pour la détermination de la durée de l’TT, mais les blessures psychologiques post traumatiques doivent également intervenir pour la durée globale de l’ITT.

En clair, compte tenu de l’agression, de l’impact traumatique, de l’état de frayeur de la victime, du scénario utilisé pour l’humilier, il aurait été conforme à une analyse médico légale complète que le médecin légiste qui l’a certainement examiné au CHU ait pris l’attache d’un spécialiste psychiatre ou psychologue pour rédiger ensemble le certificat médico légal permettant de prendre en compte la réalité de l’état médical de la victime.

Deuxième observation : le Juge qui sera saisi peut toujours changer la qualification pénale et il est souhaitable qu’une expertise médicale soit ordonnée pour la détermination de la durée de l’ITT.

Enfin, en ce qui concerne l’excuse de minorité prévue à l’ordonnance du 2 février 1945, les peines pour les adolescents sont de moitié de la peine encourue pour un majeur, mais ce principe connait cependant une exception si le mineur est âgé de plus 16 ans. Le tribunal peut donc à titre exceptionnel, et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, décider qu’il n’y a pas lieu de faire application de la réduction de peine.

Un procès aura lieu et les associations de défense de personnes handicapées pourront se constituer Partie civile puisque la recevabilité est reconnue aux termes des dispositions du Code de procédure pénale.

L’article 2-8 du Code de procédure pénale prévoit, en effet, que toute association déclarée depuis au moins 5 ans, et qui a vocation par ses statuts à défendre les personnes handicapées, peut exercer des droits reconnus à la Partie civile.

Méhana Mouhou
Avocat

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