Le préjudice professionnel des victimes d’accident sans emploi

MEME SANS EMPLOI AVANT L’ACCIDENT, UNE VICTIME A LE DROIT D’ETRE INDEMNISEE DES PERTES DE GAINS FUTURS ET DE LA PERTE DE CHANCE DE PROMOTION PROFESSIONNELLE

L’incidence professionnelle doit être réparée, même si l’exercice par la victime de sa liberté d’entreprendre et de son droit de travailler et d’obtenir un emploi sont défavorisés par la conjoncture ou la contingence. Dans une première affaire qui lui était récemment soumise (Cass. 2ème civ., 23 mai 2019, n°18-17.560), la Cour a distingué, parmi l’incidence professionnelle, la perte de chance de promotion professionnelle de celle de gains professionnels futurs. La Cour a ainsi estimé dans son attendu :

 « Mais attendu qu’ayant relevé, que compte tenu des restrictions importantes à une activité, du marché du travail et de son âge, un retour à l’emploi de M. R… était très aléatoire, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a réparé au titre de l’incidence professionnelle, la perte de chance pour M. R… d’une promotion professionnelle, préjudice distinct de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs calculée au vu de son ancien salaire et qui n’intégrait pas l’évolution de carrière qu’il aurait pu espérer ».

Ainsi les postes de préjudices ne s’opposent-ils pas dans le patrimoine de la victime, mais au contraire s’additionnent, et l’on ne peut tenir rigueur à la victime d’être en situation dévalorisée sur le marché du travail. Dans un autre arrêt, de cinq jours ultérieur (Cass., Crim, 28 mai 2019, n°18-82.877), la Chambre Criminelle est allée encore plus loin dans la libéralité de son appréciation, retenant que :

 « Attendu que pour débouter M. E… de sa demande en indemnisation de pertes de gains professionnels actuels et futurs, l’arrêt attaqué énonce qu’au moment de l’accident il avait cessé, depuis trois mois, toute activité professionnelle et n’a donc subi aucune perte de revenus ; que les juges ajoutent que la satisfaction de ces deux demandes équivaudrait à l’indemniser sur la base de revenus hypothétiques en méconnaissance du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’ayant constaté que l’inaptitude de la victime à exercer sa profession ne préexistait pas à l’accident il lui appartenait d’indemniser la perte de chance d’exercer une activité professionnelle, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

Il en ressort que l’appréciation par le juge d’un préjudice de perte de gains professionnels futurs est indépendante de la circonstance du choix opéré par la victime de cesser son activité professionnelle.

En d’autres termes, le juge ne devra pas sanctionner abusivement une victime en ne lui octroyant pas une réparation intégrale de ses revenus espérés, via la perte de chance d’exercer une activité professionnelle, pour ce simple prétexte qu’elle avait résolu dans un temps à la fois antérieur et concomitant à l’accident, de ne pas exercer son activité. 

La jurisprudence renforce le droit des victimes à obtenir une indemnistion du préjudice économique et c est une avancée non négligeable !

Maître Méhana MOUHOU
Avocat de victimes 

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