La cour de cassation doit évoluer pour reconnaitre un nouveau préjudice d’avilissement.
Cass. 2ème civ., 28 mars 2019, n° 18-13.351
Préjudice d’avilissement – Souffrances endurées – Déficit fonctionnel permanent.
« Mais attendu que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément, quelle que soit l’origine de ces souffrances ; qu’ayant, pour le réparer, inclus dans le poste des souffrances endurées et, après consolidation, dans celui du déficit fonctionnel permanent, le préjudice qualifié d’avilissement par la victime de faits de prostitution forcée et de traite d’êtres humains, dont elle a relevé qu’il était lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés, c’est sans méconnaître le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que la cour d’appel a écarté la demande de Mme T… de le voir réparer séparément ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision sans encourir le grief des deuxième et troisième branches du moyen ».
La Cour de cassation a, dans cette espèce, retenu une solution de rejet quant à l’existence de ce préjudice car les troubles allégués devaient, être qualifiés comme ressortissant du préjudice moral intégré aux souffrances endurées lié aux infractions subies.
Mais entre les lignes, la Cour précise implicitement que, correctement établi, le préjudice d’avilissement pourrait être accueilli ; la nomenclature Dintilhac ayant à cet égard pour caractéristique – rappelons-le – de n’être pas limitative, ses rédacteurs n’ayant en outre pas prétendu à être exhaustifs dans leur présentation des divers postes de préjudices qu’ils présentaient.
En réalité, il me semble que le défaut d’une telle jurisprudence ne distinguant pas le préjudice d’avilissement des souffrances endurées est que par définition les souffrances endurées s’arrêtent à la consolidation, le relais est pris en quelque sorte dans les séquelles du Déficit Fonctionnel Permanent mais à y regarder de plus près sur les principes certainement que c’est l’expertise post traumatique qui a été mal faite car le Déficit Fonctionnel Permanent post traumatique dans ce cas peut correspondre à des séquelles invalidantes mais être réduit à l’état d’esclave sexuel est d’un autre ordre.
En effet les juges devront évoluer car il nous semble bien que cette réduction de l’être humain à une chose est une atteinte à la dignité. Ainsi par exemple il y a une différence de nature et de degré entre une victime d’une infraction pénale (coups et blessures, qui sera indemnisée des souffrances endurées et d’un DFP) et d’une victime d’une infraction pénale avec circonstance aggravante d’une réduction en esclavage pouvant être considérée comme un critère du crime contre l’humanité, équivalent à la torture.
Ainsi donc la Cour de cassation aurait dû retenir un préjudice d’avilissement distinct.
Les avocats doivent donc se battre pour faire reconnaître et surtout le solliciter pour toutes les victimes d’actes criminels (viol, actes de barbarie, séquestration…) un préjudice d’avilissement.
Méhana Mouhou
Avocat de victimes