Terrorisme : Le statut de pupille de la nation pour les victimes des attentats terroristes

img_1227Une soixantaine d’enfants ont perdu soit un ou deux parents pendant les attentats terroristes du 13 novembre 2015.
Pour les attentats de Charlie Hebdo et de l’hyper cacher du 7, 8 et 9 janvier 2015, c’est 33 enfants qui se sont vus reconnaitre le statut de pupille de la Nation c’est-à-dire adopter par la Nation.
Pour les attentats de NICE, plusieurs procédures sont en cours.
A travers cette reconnaissance de l’Etat, c’est la Nation entière qui adopte les enfants des victimes.

Un peu d’Histoire…
Ce statut remonte à la Première Guerre Mondiale de 14-18, avec près de 1 400 000 soldats français morts pour la France, peut-être plus si l’on tient compte de la grippe espagnole qui a tué lors de cette guerre plus de 500 000 français (dont 100 000 soldats coloniaux).
30% des 18-30 ans ont été décimés (35 000 soldats d’Algérie, 12 000 du Maroc, 20 000 de Tunisie, 25 000 d’Afrique Noire) dont beaucoup avaient des enfants.
Les orphelins de la guerre avaient leur mère parce que seuls les pères allaient au combat.
A la fin de la guerre, la France comptait 40 millions d’habitants dont 1 million d’orphelins.

C’est une des seules lois au monde qui instaure, le 27 juillet 1927, l’office national des pupilles de la Nation, rattachée au Ministère de l’instruction publique, désormais géré par l’ONAC (Office Nationale des Anciens Combattants, sous la tutelle du Ministère de la défense) et par le Conseil départemental.
Ces enfants, victimes de la guerre, sont alors adoptés par la Nation.
Puis la loi a évolué, permettant à d’autres victimes, en fonction des circonstances de guerre, de solliciter le statut de Pupille de la Nation :

  1. Père décédé durant la Seconde Guerre Mondiale ou au maquis, engagé dans les forces françaises libres (FFL),
  2. Enrôlé de force dans l’armée allemande (les Malgré-Nous),
  3. Prisonnier de guerre en Allemagne (Stalag),
  4. Enfants de déportés juifs.

Et plus récemment, les victimes du terrorisme lorsque le père ou la mère a été blessé ou est décédé lors d’attaque terroriste.

Procédure :
L’adoption sera prononcée par jugement avec la mention « adopté par la Nation » du Tribunal de Grande Instance, du domicile du demandeur au statut de Pupille de la Nation (père, mère, Procureur de la République, victimes avant le 21e anniversaire).
La question reste entière de savoir si la Pupille de la nation peut, par exemple à 40 ans, bénéficier des droits et devoirs, de la Nation. Il semble que cela soit au cas par cas.

Philosophie du statut :
La philosophie du texte était celle d’un droit à réparation et d’une reconnaissance de la Nation au père, mère, décédé ou blessé lors d’un acte terroriste et que la Nation doit aider.

C’est un devoir de la Nation entière de glorifier le courage et de témoigner la solidarité du peuple.
Que d’aucun se rappelle cette catégorie sportive :
Cadet (15-16 ans), Minime (13-14 ans), Pupille (11-12 ans) ou même l’étymologie renvoyant à un orphelin mineur couramment employé en droit civil pour désigner, un mineur placé sous l’autorité d’un tuteur, d’une collectivité et prise en charge par elle.

Attention, il ne faut pas confondre pupille de l’Etat (enfants abandonnés confiés à l’assistance publiques puis à la DASS (aujourd’hui Aide Sociale à l’Enfance (ASE) compte tenu de carence éducative dont l’autorité parentale est confiée aux services de l’Etat), et pupille de la Nation dont bien évidemment les parents ou un parent continue à pourvoir et assurer l’éducation de leurs enfants mais ce statut fait naître des obligations et des devoirs de la Nation (conférant une protection et soutien matériel et moral).

Les droits des Pupilles de la Nation :

  • Un soutien de 2000 à 3000 € par an en moyenne,
  • 1500 € à la majorité,
  • Des étrennes de 400 €,
  • Absence de frais de scolarité à l’Université,
  • Prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un bien immobilier,
  • Aide pour l’achat de vêtement et de nourriture, loisirs,
  • Complément CAF,
  • Complémentaire santé totale (frais d’orthodontiste, optique, …),
  • Bourses d’études,
  • Subventions d’études, après 21 ans, y compris pour les grandes écoles ,
  • Prêt de 3000 € sans intérêt pour une installation professionnelle remboursable à 3 ans,
  • Emplois réservés dans les collectivités – locales et établissements publics (hôpitaux…) ,
  • Caution versée pour la location d’un logement…

Les victimes incarnent les valeurs de la République et de la Liberté. L’atteinte mortelle et les blessures certes ont un autre sens mais il s’agit de la même volonté d’être de la République !

Aujourd’hui, ce terme de Pupille parait un peu désuet et pourrait être remplacé pour ceux qui portent le deuil et les stigmates des attentats.
Si la philosophie de principe, est excellente, consistant non pas à remplacer un des parents mais à consacrer un droit à réparation de la Nation, il serait bon de lui subtiliser un terme plus positif en cohérence avec l’évolution du XXIème siècle.

Je propose, ce me vient à l’instant à l’esprit, Gloire de la Nation, oui la victime doit être glorifiée. Elle disposerait d’une carte et au-dessus de sa photo, elle pourra être fière de ses parents victimes et glorieux, avec cette mention bannée du drapeau tricolore : gloire de la Nation. Enfin c’est ce que je pense.

Autre désuétude : l’adoption. Il me parait périmé de faire passer le ou les parents devant le Tribunal comme pour une adoption classique (plénière ou partielle). L’adoption n’est pas adaptée et peut prêter à confusion.
Il faut la remplacer par une procédure de remise de la carte « Gloire de la Nation » par le juge d’instance ou par le Procureur de la République avec une cérémonie républicaine, ou par la Mairie avec la même cérémonie.

Les temps ont changé, changeons les procédures !

Méhana MOUHOU
Avocat de victimes

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