TERRORISME : L’indemnisation des victimes des attentats de PARIS.

Attentats-Paris-MouhouCréé en 1986, le Fonds de garantie des victimes d’actes de Terrorisme et autres Infractions (FGTI) a pour objectif d’indemniser les victimes d’attentat.

Ce Fonds de garantie a la particularité d’être financé par prélèvement relevé à 4,30 €, à partir du 1er janvier 2016, sur chaque contrat d’assurance habitation et disposera d’un budget d’environ 480 millions d’euros.

Ce Fonds peut également intervenir de manière subsidiaire afin d’indemniser les victimes justifiant d’un dommage, lorsque le tiers responsable n’a pu être identifié, en cas de délit de fuite par exemple, ou lorsque le tiers responsable n’est pas assuré.

Dans l’appréciation du préjudice corporel, et plus particulièrement celui tenant au préjudice post-traumatique, ce Fonds de garantie – à l’instar des compagnies d’assurance – se trouve à solliciter ses propres experts, de sorte qu’en pratique l’évaluation des séquelles est en deçà de la jurisprudence des Tribunaux.

C’est donc particulièrement injuste pour la victime d’attentat qui se trouve à devoir surmonter son préjudice corporel et à rester vigilante sur la réparation qui en sera donnée, raison pour laquelle l’assistance d’un avocat spécialiste en la matière est incontournable.

Dans le cadre de notre pratique, notre Cabinet, à titre d’illustration, a pu obtenir à l’un de ses clients une indemnisation qui a été portée à plus de 60 % de la somme initialement proposée par le Fonds de garantie. En l’espèce, nous avons obtenu 1 150 000 € au lieu de 350 000 € proposé, après avoir assigné le Fonds de garantie devant le Tribunal, puis devant la Cour d’Appel.
Soit un gain pour le client de plus de 800 000 € après des années de procédure !

Cette minoration de l’indemnisation concerne l’ensemble des postes de préjudices existants, même ceux qui parfois restent encore douloureux pour les victimes ayant subi la perte d’un enfant ou d’un parent. C’est ainsi que pour les victimes d’attentat, le Fonds de garantie entend indemniser le préjudice d’affection à hauteur de 20 000 € et 30 000 € pour la perte d’un proche.

Or, ce préjudice d’affection, appelé plus communément préjudice moral, ne serait être indemnisé sans avoir recours à une expertise post-traumatique. En effet, ce préjudice est d’importance puisqu’il ne vise pas seulement à réparer le préjudice d’affection, mais également les souffrances endurées et les blessures psychiques, invisibles et indivisibles, mais tout aussi importantes pour entamer son deuil…

Or, une telle indemnisation n’est pas acceptable non seulement juridiquement, au regard du principe intégrale consacré par la Jurisprudence, mais également humainement au regard des souffrances des victimes.

Ces mêmes souffrances amènent ainsi les victimes d’attentat soit à accepter l’indemnisation fixée par le Fonds de garantie, qui est sans commune mesure avec leur souffrances, soit à ne pas vouloir discuter le refus du Fonds de procéder à une réévaluation.

Tel est le cas des victimes de l’attentat de PARIS qui subissent un traumatisme réel et profond à la hauteur des vies heureuses, mais abîmées à jamais pour ceux qui restent.

Il faut dans ces conditions ne pas hésiter à saisir les Tribunaux et à faire valoir la juste réparation du traumatisme subi dès lors que le préjudice « réparé » se limiterait au préjudice d’affection ou que l’expertise psychiatrique ordonnée par le Fonds de garantie ne prendrait pas en compte l’intensité de tous les postes de préjudice.

La vie n’a pas de prix, elle est par conséquent inestimable, elle ne saurait donc souffrir d’une sous-indemnisation surtout lorsqu’elle est rattachée à la qualité de victime !

C’est bien une révolution copernicienne du dommage corporel qu’il convient d’opérer avec cette tragédie des attentats, et décréter que désormais le Fonds de Garantie doit être également financé sur le budget de l’Etat, ce qui n’est toujours pas le cas alors que la lutte contre le terrorisme est bien une priorité nationale.

Tous les postes de préjudice doivent être intégralement indemnisés. Il en va de même du préjudice d’affection qui doit être indemnisé dans toutes ses composantes, mais également préjudice matériel, préjudice économique, frais de santé futurs, aides humaines pour compenser l’impossibilité de faire face au quotidien, souffrances endurées, toutes les incidences professionnelles du traumatisme … et le préjudice spécifique en matière d’attentat.

Il devient urgent de constituer un groupe de travail composés d’experts du dommage corporel et de familles de victimes, premières concernées, afin de mettre en place de nouvelles structures, à défaut de les améliorer, afin d’entamer un processus d’« accompagnement des victimes sur le plan juridique, financier et administratif » pour reprendre les termes du Premier Ministre, Manuel VALLS.

Ceux qui portent le deuil de leur proche méritent d’être écoutés, épaulés, aidés plus que jamais dans le malheur qui les frappe.

J’ai souvenir des premiers jours du défaut de prise en charge de la famille IBN ZIATEN, dont le fils a été assassiné par Mohamed MERAH, obligée de prendre le bus et un train de nuit pour réduire les coûts et de dormir dans un Formule 1 près d’une route pour être au matin à la Cérémonie Nationale d’hommage aux victimes à MONTAUBAN en 2012, en présence du Président de la République.

J’ai dû interpeller le Ministre de la Défense, Gérard LONGUET, afin de permettre à cette famille de ne pas se retrouver livrée à elle-même et de pouvoir être raccompagnée à l’issue de cette Cérémonie rendue en hommage de leur défunt fils, frère….

Ce jour-là, il a fallu mobiliser l’Etat Major, qui a immédiatement pris conscience de la situation dramatique de cette famille et a affrété pour ce faire un avion militaire pour ROUEN.

Cela n’a été qu’une prise en charge matérielle…, la famille ayant dû affronter seule leur traumatisme, aucun soutien psychologique n’ayant en revanche été prévu…

A l’instar de victimes des attentats de CHARLIE HEBDO et des attentats de PARIS du 13 novembre 2015, dont je défends la cause, aucune prise en charge psychologique digne de ce nom n’a été organisée sur la durée, hormis une cellule d’urgence qui n’a en réalité pas les moyens de suivre les victimes dès le retour à leur domicile.

Le terrorisme inflige de véritables blessures de guerre tant physiques que psychiques.

Il faut soigner les plaies avec dignité : c’est le signal majeur que doit envoyer la République aux victimes.

Méhana MOUHOU
Avocat de victimes

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