Notre cabinet d’avocats est intervenu pour la défense en indemnisation du dommage corporel dans l’affaire des prothèses défectueuses PIP, devant le Tribunal correctionnel de Marseille du 17 avril au 17 mai 2013 en qualité de Partie civile.
Après un délibéré de 7 mois, la décision a été rendue le 10 décembre 2013.
Un procès hors-norme :
Pas moins de 5 semaines de procès, 300 avocats, 7 000 Partie civile !
Il a fallu à la 6ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Marseille une énergie soutenue pour délibérer et écrire les 7945 pages du jugement.
Rappelons dans cette affaire, que le Président Fondateur de l’entreprise Poly Implants Prothèses (PIP) implanté à la Seyne sur Mer, Monsieur Jean Claude MAS, a été au cœur du scandale, poursuivis pour des faits présumés de tromperie aggravée et d’escroquerie commis entre Avril 2001 et Mars 2010, pour avoir vendu pendant des années des prothèses mammaires frauduleuses (PIP).
Le 10 décembre 2013, le Tribunal Correctionnel de Marseille a déclaré coupable Jean-Claude MAS de ces faits et l’a condamné à :
– la peine de 4 ans de prison ferme,
– Et 75 000 € d’amende.
A la demande de Monsieur Jacques DALLEST, alors Procureur de la République de Marseille, le Tribunal a également prononcé à son encontre, en plus de la peine de 4 ans d’emprisonnement ferme réclamée, « l’interdiction définitive d’exercer une professionnelle en lien avec le monde sanitaire » ainsi que « l’interdiction définitive de diriger, gérer ou contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ».
Quatre cadres de l’entreprise PIP, dont le Directeur Général Monsieur Claude COUTY, ont également été poursuivis pour les délits présumés de tromperie aggravée ou complicité de tromperie aggravée et d’escroquerie ou complicité d’escroquerie par le Tribunal correctionnel de Marseille.
Monsieur Claude COUTY, au même titre que Jean-Claude MAS, a été déclaré coupable de ces délits, et condamné à une peine de 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, une amende de 30 000 €, ainsi que l’interdiction définitive de diriger, gérer ou contrôler une entreprise.
Les 3 autres dirigeants ont été déclaré coupables des délits de complicité de tromperie aggravée et d’escroquerie, et condamné à des peines de 2 ans à 18 mois d’emprisonnement avec sursis.
Sur les délits de tromperie aggravée et complicité de tromperie aggravée, le Tribunal Correctionnel de Marseille retient que les implants PIP n’étaient ni conçus, ni fabriqués dans les conditions correspondant au marquage CE et que de ce fait de nombreuses personnes implantées avait été trompées sur la qualité substantielle, la composition et les contrôles effectués de ces prothèses ; justifiant ainsi le délit de tromperie aggravée et de complicité de tromperie au regard de l’article 213-1 du Code de la consommation.
Il relève également la responsabilité personnelle de Jean-Claude MAS en raison du pouvoir dont il disposait au sein de la société PIP et de son implication dans les décisions prises, notamment celles relatives à la fabrication des implants.
Malgré la contestation des prévenus, le Tribunal correctionnel de Marseille caractérise la circonstance aggravante au regard de l’article 213-2 du Code de la consommation, et la motivation est cinglante : « En choisissant de remplir tout ou partie des prothèses mammaires destinées à être implantées dans le corps humain d’un gel qui non seulement n’était pas celui prévu au dossier de conception établi en vue de l’obtention de la certification CE, mais de surcroit a été fabriqué dans des conditions aléatoires selon un processus indéterminé et constamment modifié, sans aucune possibilité de traçabilité, à partir de produits non prévus à cet effet, dont la nature, les fournisseurs et les pourcentages n’ont pas cessé de varier, qui enfin n’avaient pas été testés selon les normes imposées des conditions permettant d’en établir l’innocuité, les prévenus ont consciemment exposé les utilisatrices de ces dispositifs à un risque pour leur santé ».
Sur les délits d’escroquerie et de complicité d’escroquerie, le jugement retient que les diverses manœuvres effectuées pour maintenir la certification justifient ce délit, mais relève que Jean-Claude MAS est à l’initiative de la fraude en précisant « qu’il exerçait un leadership tel qu’il était particulièrement difficile d’aller à l’encontre de ses décisions et de ses injonctions. La fraude qu’il a délibérément organisée, tout en étant conscient des risques engendrés, est d’une ampleur inégalée et a eu un retentissement mondial, compte tenu de l’importance du marché. »
Le Tribunal correctionnel souligne que les faits commis ont eu des conséquences dramatiques sur les personnes implantées par des prothèses PIP en proie à « un doute insupportable » quant aux effets des prothèses sur leur santé.
Le jugement retient que Jean-Claude Mas « n’a pas craint, pendant environ dix années, de vendre des implants mammaires contenant un gel qui n’avait pas subi les tests et examens indispensables pour en garantir l’innocuité, dont il ignorait lui-même quels pouvaient être les effets sur la santé des personnes implantées, exposant celles-ci, pour le moins, à de graves et pénibles incertitudes sur leur devenir sanitaire. Il est surtout, soulignent les juges, le principal bénéficiaire de la fraude, eu égard à sa participation dans le capital de la société. » caractérisant ainsi sa décision concernant la sanction de Jean-Claude MAS.
Sur l’action des 7000 Parties civiles constituées, le Tribunal correctionnel de Marseille a retenu une indemnisation pour les victimes implantées au titre :
– Du déficit fonctionnel temporaire,
– Du préjudice esthétique temporaire,
– Des souffrances endurées,
– Du préjudice d’anxiété,
– Des frais médicaux restés à charge,
– Et du préjudice moral.
Les prévenus sont condamnés à payer solidairement cette réparation.
Un appel a été relevé de ce jugement, notamment par Jean Claude MAS. Cette affaire sera de nouveau plaidée, mais devant la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence.
Notre cabinet sera donc appelé prochainement à plaider devant cette Cour.
Méhana MOUHOU
Avocat