Massacre au Pays du Prix Nobel : Génocide des Rohingyas en Birmanie

BIRMANIE

Crime de génocide contre les Rohingyas

Cour Internationale de Justice – La Haye
10-12 décembre 2019

Comparution de Aung San Suu Kyi

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Compte-rendu d’audience

 Il fait très froid ce jeudi 12 décembre devant le Palais de la Paix ,à La Haye, où les avocats de Aung San Suu Kyi vont se succéder dans moins d’une heure, au 2èmeet dernier jour du procès.

Les audiences sont publiques, mais les Rohingyas qui sont avec moi ne peuvent pas entrer. Plus de place me dit-on !
Ils ne sont pas sur la liste. Alors qu’il reste de la place dans une seconde salle avec écran !!

Il y a beaucoup de monde à l’entrée de la Cour.

Procès ASSKBeaucoup veulent voir l’idole de la démocratie, le Prix Nobel de la Paix : Aung San Suu Kyi.

Pour moi ce Nobel n’est qu’un aveuglement des européens d’avoir récompensé un peu vite cette fausse madone à la Eva Peron, tombée un jour de décembre de son piédestal – assise sur le banc des accusés.

Je dis aux Rohingyas, que la Cour Pénale Internationale située à quelques kilomètres d’ici a autorisé il y a un mois le Procureur Général à enquêter et à rassembler les preuves.

Des preuves, là avant que la voiture de Aung San Su Kyi n’arrive, ils me les montrent : des vidéos de Rohingyas brûlés, en cendres, d’autres en train d’être brûlés vifs, des enfants, noyés, des femmes mutilées, et d’autres photos toutes aussi insoutenables…

Devant le Palais également, une centaine de soutiens à l’icône avec le slogan « We stand with you Aung San Suu Kyi ».

Les Rohingyas aussi sont présents et pour eux, Aung San Suu Kyi est le Nobel de la honte.

Mais pour les Rohingyas c’est déjà une première étape, et ce grâce à la Gambie représentant 57 Etats du monde musulman qui a déposé plainte le 11 novembre 2018 contre Myanmar (la Birmanie), accusant les autorités sur la base de faits rapportés par l’enquête des Nations-Unies en août 2018 pour violation de la Convention Internationale pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, où il a été exposé que des milliers de Rohingyas ont été massacrés et plus de 800 000 d’entre eux ont dû fuir vers le Bengladesh frontalier.

J’attends avec impatience la déclaration d’Aung San Suu Kyi qui a expliqué à la Cour ceci :

  • « Qu’il y a eu des civils touchés mais que le but des opérations militaires était de combattre la rébellion ARSA (Arakan Rohingya Salvation Army) qui ont détruit des postes de police dans le Nord de Rakhine, mais qu’il n’y a jamais eu d’intention génocide ;
  • Que le génocide ne peut pas être la seule hypothèse ;
  • Que certes il y a eu des opérations disproportionnées de l’armée de son pays mais que la disproportion a été mesurée. »

Je réitère bien ce qui a été dit, car elle a parlé des moyens aériens que l’armée aurait pu utiliser.

Génocide RohingyasCette réponse est choquante, dans la mesure où elle suppose que le bilan aurait pu être d’une plus grande ampleur encore.

Je réponds également que les opérations au sol se suffisent dans l’horreur à elles-mêmes.

Aung San Suu Kyi a dédouané son armée en précisant que la situation était complexe et que c’était à son pays de poursuivre l’œuvre de justice.

Que dire des enfants qui ont péri, des femmes victimes de viols en bande et de tous les faits rapportés par des familles décimées, des villages entièrement détruits, brûlés.

En effet, dans la province Rakhine (anciennement Arakan), en Birmanie (Myanmar), une minorité ethnique musulmane a été, sous peine d’être massacrée, obligée de fuir vers le Bangladesh.

Il est refusé aux Rohingyas depuis l’indépendance de la Birmanie, en 1948 aux Rohingya l’acquisition de la nationalité birmane ; ainsi les Rohingya ne sont pas considérés comme citoyens birmans, et qualifiés de Bengali, ils sont considérés comme des étrangers et illégaux, dans ce pays à majorité bouddhiste.

Discriminés, sans droit, apatrides, les Rohingyas subissent toutes sortes d’humiliations.

En août 2017, l’armée birmane va intervenir contre les Rohingyas, après que des rebelles rohingyas attaquent des postes de police.

La riposte du pouvoir birman sera qualifiée en septembre 2017 par le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’Homme comme « un cas d’école d’épuration ethnique ».

800 000 Rohingyas survivants ont dû fuir au sud du Bengladesh après des jours de marche.

Eté 2017, opération baptisée « Nettoyage », des villages musulmans sont brûlés par l’armée birmane, dans la province de Rakhine.

800 000 réfugiés, c’est le plus grand camp de réfugiés au monde aujourd’hui.

Des chercheurs et diplomates concluent à une « planification des moyens, et à une organisation du génocide ».

Que dire de ce témoignage :« quand tous les hommes étaient morts, ils ont commencé à jeter les bébés dans l’eau et tuer les enfants à la machette avant de les jeter dans l’eau, eux aussi… ».

Les avocats, assis à côté de Aung San Su Kyi, ont développé devant la Cour des arguments selon lesquels la Gambie n’avait pas compétence ni droit de saisir la Cour Internationale de Justice car la CIJ n’est compétente selon eux qu’en matière de procès entre Etats et non connaître des crimes reprochés à des individus en contestant la plainte déposée en vertu de l’article 9 de la Convention.

A regarder de près la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, l’article 9 permet à toute partie de soumettre à la CIJ les différends entre parties « relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ».

Cette argumentation juridique feint d’ignorer que la Cour Internationale de Justice a rendu un précédent et que tous les Etats membres de la Convention ont l’obligation de prévenir et sanctionner le génocide. La Birmanie a signé la Convention sur le génocide en 1956.

L’acte d’accusation a été porté par le Ministre de la Justice de la Gambie et j’ai trouvé Monsieur le Ministre Tambadou à la hauteur, vraiment.

Avec beaucoup d’élégance, du juriste de haut niveau a été très démonstratif. Je résume :

  • « La Gambie poursuit la Birmanie pour génocide pour réveiller les consciences du monde et élever la voix de la communauté internationale ;
  • Que lorsqu’on déshumanise les autres on se déshumanise soi-même ;
  • Le génocide ne réalise pas que par la déshumanisation des autres mais aussi par le silence de la communauté internationale ;
  • Il est irresponsable de regarder ailleurs et de penser que ce n’est pas notre affaire. »

La Gambie a demandé à la Cour des actes d’urgence, et une injonction à la Birmanie d’arrêter les actes de génocide.

Aung San Suu Kyi n’a pas condamné l’armée mais a gardé le silence envers la communauté internationale, plus grave elle dira qu’il s’agit « d’un iceberg de désinformation ».

Après 20 jours de massacre, le conseiller d’Aung San Su Kyi, Thong Tun Aung déclara : « Les informations ont été fabriquées de toutes pièces ».

GénocideLa Nobel de la Paix protège l’armée et désinforme le monde sur la réalité et qualifie les rebelles de terroristes (mais les enfants, les femmes sont-ils aussi des terroristes ? Et les villages entiers que l’on brûle !).

Aung San Suu Kyi est dans le déni en indiquant au monde que la communauté internationale a une vision déformée des faits.

Aung San Su Kyi est une opportuniste qui aspire au pouvoir, la Constitution birmane et l’article 59 F de la Constitution lui interdit d’y accéder, les militaires disposent de voix permettant de geler la Constitution et son déni et son silence est un déshonneur au Prix Nobel.

Nous rappellerons ici que le Prix Nobel récompense « la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ».

Aung San Su Kyi a-t-elle humilié son Prix Nobel en ne s’engageant jamais auprès des Rohingyas ? Alors que le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies en août 2018 par son Secrétaire Général évoque l’une des pires catastrophes humanitaires mondiales de violation des droits humains.

Procès génocideJe garde du procès Gambie c/ Myanmar à la Cour Internationale de Justice, le goût amer du déni, malgré les preuves accablantes et de la complicité morale du Nobel de la Paix, d’une épuration ethnique de musulmans.

Il faut savoir que la Cour Internationale de Justice met plusieurs années à rendre des arrêts, sauf mesure d’urgence dont le délibéré est à plusieurs mois.

La Cour Internationale de Justice devrait donner à cette procédure la priorité des priorités et ne pas attendre des années pour rendre sa sentence.

Il le faut rapidement. Pour l’histoire, pour la mémoire, pour les victimes.

Maître Méhana MOUHOU
Avocat de Victimes
Conseil auprès de la Cour Pénale Internationale

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