Le préjudice moral par ricochet reconnu quelle que soit la gravité

La Première Chambre Civile de la Cour de cassation a, dans son arrêt du 14 novembre 2019 (n°18-10.794), posé qu’« un préjudice moral ou d’affection ouvre droit à réparation dès lors qu’il est caractérisé, quelle que soit la gravité du handicap de la victime directe ».

Elle censure en conséquence l’arrêt d’appel qui avait réservé aux hypothèses de survie diminuée et gravement handicapée de la victime directe, l’indemnisation du préjudice moral par ricochet des personnes qui voient un proche (la victime directe) atteint par un handicap nouveau.

En effet, retenir une telle conception dans laquelle seuls les cas graves de handicap ouvrent droit à la reconnaissance d’un préjudice moral chez celui qui éprouve de la peine devant le triste spectacle de la victime directe souffrante d’un handicap s’accorde mal avec les dispositions de l’article 1240 du Code Civil, pris ensemble le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Rappelons pour ces premières que le texte de cet article 1240, qui prévoit que tout fait quelconque de l’homme causant à autrui un dommage, oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer, pose un principe général de responsabilité (civile) pour le fait personnel.

La victime indirecte, qui en dépit de son nom n’en souffre pas moins personnellement du dommage créé par l’infraction et se voit ouvrir de cet fait l’action civile conformément aux dispositions de l’article 2 du code de procédure pénale afin d’en obtenir réparation, est exposé à un préjudice d’affection et plus largement un préjudice moral dans bien des cas d’infraction commise visant directement un conjoint ou un proche.

Ainsi la réparation dans le chef du patrimoine juridique de la victime indirecte comprendra-t-elle celle du préjudice moral à la vue de la souffrance de la victime directe.

La Première Chambre Civile, par cet arrêt du 14 novembre dernier, en a rappelé qu’il devait en être fait une application intégrale et ce, sans que cette application soit subordonnée à un caractère important ou extraordinaire de gravité.

L’indemnisation du dommage d’une victime suppose aussi que ne soit jamais oublié l’indemnisation des proches de la victime, des parents, des enfants, du conjoint.

Comme le dit très bien le slogan de la prévention routière en matière d’accident de la circulation : « Tous touchés, tous concernés, tous responsables. »

Maître Méhana MOUHOU
Avocat de victimes

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