Redéfinition du viol par surprise par la chambre criminelle

L’arrêt de Chambre Criminelle du 23 janvier 2019 (n°18-82833) a introduit une évolution dans notre droit positif, concernant le viol par surprise.

Le viol est l’acte de pénétration sexuelle dans le sexe ou par le sexe, quelque soit le sexe de la victime, par contrainte, menace, surprise ou violence. La surprise, au sens du texte incriminant le viol, s’entendait de plusieurs cas de figure. C’était ainsi, la femme alitée dans l’obscurité de sa chambre, rejointe par un intrus au domicile, qui croyait avoir affaire à son compagnon.

Mais le 23 janvier 2019, la Chambre Criminelle a innové en l’appliquant à l’hypothèse de rendez-vous en ligne. Dans cette affaire, un sexagénaire que les médias ont décrit comme décrépi, s’était fait passer sur les réseaux sociaux pour un jeune millionnaire afin de séduire un certain nombre de jeunes filles en usurpant des photos correspondant à sa prétendue identité virtuelle de riche monégasque en quête d’une âme sœur.

La quête en question était moins platonique que tournée vers la satisfaction de désirs et avait pour finalité de soutirer à des jeunes femmes et à leur insu, des rapports sexuels qu’il avait avec elles au terme d’une rencontre mise en scène selon un scénario trompeur dans lesquelles des jeunes femmes éprises de romantisme ont été éconduites.

Il s’agissait à chaque fois, la porte de la maison de l’auteur étant ouverte, d’une rencontre charnelle débutée dans le noir avec des liens dans lesquels les jeunes femmes se laissaient entraîner et lier. Après l’acte, l’auteur des viols rallumait les lumières, et c’est alors que le subterfuge apparaissait.

L’accusé prétendait que les jeunes filles étaient consentantes et parfaitement libres ; aussi s’évinçait-il des circonstances de l’espèce que le scénario de la rencontre ne recourrait qu’à fort peu de contrainte pour les jeunes filles.

La Chambre Criminelle retient que le consentement des victimes ne s’entendait pas seulement d’un consentement à l’acte sexuel, mais aussi d’un consentement donné à la personne avec qui il allait avoir lieu ; partant, au cas d’espèce ce consentement des jeunes filles était vicié par le développement du stratagème de l’auteur, particulièrement élaboré – ce qui permet de retenir la surprise :

« Attendu que l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens du texte susvisé ; »

Maître Méhana MOUHOU
Avocat de victimes

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